L’amour du Christ nous saisit
« L’amour du Christ nous saisit ! ». D’autres traductions disent : l’amour du Christ nous presse. Pourquoi saint Paul nous dit-il cela ? Il est en train de nous expliquer que le Christ a pris tout de nous pour pouvoir nous donner tout de lui. Merveilleux, sans doute, et cela nous amène à l’aimer encore plus, c’est vrai, mais pourquoi cela nous bouscule-t-il ? Parce que nous ne pouvons pas rester indifférent à ce pari prodigieux et le regarder de l’extérieur. Si le Christ a opéré une opération aussi audacieuse que de se glisser au cœur de notre condition humaine en faisant sienne notre mort, nous ne pouvons pas nous désintéresser de la réussite de son plan. Car rien n’est automatique dans ce domaine, pour rencontrer le salut encore faut-il que chaque être humain, à son tour, ait dit « oui », se soit laissé saisir et transformer par Jésus pour bénéficier de sa Résurrection, – ce qui s’opère en règle générale par le baptême.
Donc Paul se trouve devant ce défi : il y a, du côté du Christ, un don immense, mais qui risque d’être stérile, tant que fait défaut la réponse de l’homme, et comment viendrait-elle, sinon en écho à l’annonce de la Parole ? Ailleurs, il a explicité cette nécessité : Il est écrit : “quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.” Mais comment invoquera-t-on celui en qui on n’a pas encore cru? Et comment croira-t-on en celui dont on n’a pas entendu parler? Et comment en entendra-t-on parler, s’il n’y a pas de prédicateur? (Romains 10,14)
Donc la conséquence est là : « malheur à moi si je n’évangélise pas ! » (1 Corinthiens 9,16). Paul a une si haute idée du don de Dieu pour l’homme qu’il ne peut rester en repos, tant qu’il manque des convives à la table du festin. C’est comme cela : le Seigneur a voulu passer par des êtres humains pour répandre la bonne Nouvelle. Si elle arrivait autrement (comme une voix venue du ciel par exemple), nous serions plus ou moins obligés d’y assentir et cela enlèverait ce qu’il a voulu par dessus tout ; c’est que consentement soit vraiment de nous.
Le salut que Dieu veut nous donner n’est pas une promotion comme une autre, c’est la rencontre de deux libertés, la sienne et la nôtre, elle ne peut venir que d’une rencontre en un temps et en un lieu, où il se met à notre disposition pour que nous lui ouvrions notre cœur.
Saint Paul ne se pose même pas la question de savoir ce qui se passera pour ceux qui n’ont apparemment pas rencontré sur leur route la parole d’un apôtre. Nous n’avons, nous, que trop tendance à y répondre comme si nous savions et en imaginant des voies qui doubleraient le chemin de la Parole de Dieu, ce qui nous permet s’esquiver la nécessité de l’apostolat. Peut-être vaut-il mieux dire que nous n’en savons rien et que nous n’avons pas à le savoir, puisque, par définition, ce cas nous échappe à nos possibilités d’action.