Christ-Roi : de quoi s’agit-il ?
Depuis que la fête du Christ-Roi (inaugurée par le Pape Pie XI) est passée de la fin octobre à la fin novembre à l’occasion du nouveau calendrier, son objectif a légèrement changé : fête de la souveraineté du Christ sur l’ordre temporel, elle est devenue davantage l’annonce du règne futur de Jésus. Pourtant elle n’a pas tout à fait perdu sa première orientation, comme en témoigne la prière d’ouverture de la messe et l’épitre qui nous proposée pour cette année C : il s’agit du passage de saint Paul dans la lettre aux Colossiens, qui nous explique que le Fils, « image du Dieu invisible » est le « premier-né, avant toute créature » et qu’ « en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre ».
Le Christ ne vient pas seulement réparer la condition humaine, compromise par le premier péché, il en est déjà le principe directeur. La nature de l’homme comporte un ordre, une sagesse que Dieu a inscrite au plus intime d’elle. Son bonheur est de coïncider volontairement avec cette sagesse, d’y trouver son équilibre et son progrès. Faute de cela, il s’abîme. Ce que nous percevons bien au plan individuel (les commandements de Dieu sont sages, la « loi du Seigneur est parfaite, elle clarifie le regard »), nous devons le postuler aussi de la vie sociale. Dieu nous montre que l’ordre de la société, sa justice, son développement, ne dépendent pas de l’arbitraire de la volonté générale. Là encore, sa sagesse nous devance. Si l’Eglise n’a pas à nous dire quel candidat représente totalement sa cause et quel est le meilleur régime politique, elle peut de façon profitable rappeler aux hommes, de la part du Christ, les principes qui régissent l’existence des hommes en société : sauvegarde de la liberté religieuse et des droits fondamentaux, principe de subsidiarité, respect de l’autorité légitime, mais, pour celui qui en est investi, exigence maximale etc…
Nous continuons de penser que c’est une bonne chose pour un peuple de reconnaître dans le Christ l’inspirateur de sa vie sociale, son chef et son Roi. L’éventualité en parait lointaine dans le monde où nous vivons, mais un pays comme la Pologne n’a pas craint récemment de faire un acte public en ce sens. Néanmoins ne perdons pas nos forces à réclamer ce qui doit venir seulement en finale de l’évangélisation, commençons par faire se lever une moisson de chrétiens et peut-être ensuite nous verrons des sociétés chrétiennes. Mais ce que nous ne pouvons pas réaliser au plan politique de l’Etat, nous pouvons au moins le tenter dans toutes les microsociétés auxquelles nous sommes mêlés, à commencer par la famille, qui est par excellence le lieu d’une petite chrétienté : ecclesiola in Ecclesia, comme on l’a dit. Lieu où fonctionne la vraie charité, lieu du pardon et de la liberté.
Surtout la royauté du Christ commence par notre cœur. C’est nous qui pouvons lui donner cette place dans nos vies. Non seulement lui demander d’inspirer notre comportement extérieur, mais d’investir notre vie tout entière. Oui il est notre Roi, notre petit roi de gloire qui n’a pas convoité comme résidence le palais des grands de ce monde, mais ce petit espace au creux de nos vies.
« Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »