Noël, fête de la divinité du Christ !
On la sait : la solennité du 25 décembre ne fait pas partie des toutes premières fêtes du christianisme. Il y a eu d’abord Pâques, la Pentecôte et… l’Epiphanie. C’est le 6 janvier qu’on a commencé à fêter la venue du Christ,sa manifestation dans la chair (son« épiphanie »). Curieusement, cette solennité a inclus assez vite l’évocation du Baptême au Jourdain, qui est une autre « manifestation » de Jésus au monde.
Est venu un moment où on a senti le besoin de marquer plus clairement l’identité de celui qui vient sur terre pour nous sauver. Après plus d’un siècle de discussions, parfois tendues, sur la véritable nature du Christ (Dieu et homme, mais Dieu jusqu’à quel point ?), le peuple chrétien a eu besoin de repères clairs. Car la fête de l’Epiphanie, associée au Baptême, pouvait laisser planer un doute : était-il Dieu au plein sens du mot, et dès le début, ou par suite d’une adoption ? Avec l’instauration de Noël, reprenant le thème du Soleil invaincu qui l’emporte sur l’hiver, on abattait les cartes. Oui, Jésus est bien le Fils égal au Père dans la forme divine, oui, il est né en Dieu avant l’aurore des temps et c’est pour nous et pour notre salut qu’il est aussi né d’une vierge dans les ombres de la nuit. Derrière la naissance dans le temps des hommes, se profilait une autre naissance, éternelle celle-là, qui a fait jaillir le Fils du sein du Père éternel. Engendré non pas créé, il est le Tout Puissant à l’égal du Père.
On imagine sans peine la joie des foules qui remplissaient pour la première fois les basiliques fraîchement construites et y célébraient Noël : on était sorti de ces arguties compliquées par lesquelles on prétendait ménager les partis contraires. On pouvait dire sans arrière-pensées, avec Thomas touchant la chair du Christ : « mon Seigneur et mon Dieu ! ». La splendeur de la messe du jour Noël vient de là.
Ce n’est que beaucoup plus tard, sous l’influence du petit Pauvre d’Assise, qu’on s’est mis à s’émouvoir devant la pauvreté de la crèche et de la grâce enfantine de Celui qui y était couché. Non pas qu’on ait minimisé le moins du monde la grandeur de Celui qui gisait dans la paille. C’est précisément parce qu’il reste le Très Haut Seigneur que son abaissement nous touche. François se prosterne devant l’enfant parce qu’il ne doute pas un instant qu’il est à la droite du Père et que sa divinité est encore grandie par l’épreuve de sa pauvreté. Je ne suis pas sûr que le Poverello aurait apprécié ces images dont nous sommes friands aujourd’hui et où on voit le petit Jésus en train de saisir son gros orteil ou de sucer son pouce. Pour supporter ces mièvreries saintsulpiciennes, il faut un bien grand sens de la majesté divine ! Puisse celui-ci ne pas nous quitter !