Vrai Roi, tu l’es par la conquête !
Dans un ancien cantique à l’allure plutôt martiale (« Parle, commande, règne ! »), il était dit que le Christ est vrai roi « par sa naissance » (il est le premier né de toute créature), mais aussi qu’il est roi « par la conquête ». C’est-à-dire qu’il a sur nous un droit de conquête, pour nous avoir arrachés aux griffes du Prince de ce monde ! C’est un peu ce que dit saint Paul dans l’Epitre de ce dimanche : le pouvoir royal qu’il remettra à la fin des temps à son Père, il l’a d’abord acquis parce qu’ « il a anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance ». Voilà un langage qui ne nous est pas très familier, mais qui l’était à nos Pères dans la foi. Pour eux, la Croix était d’abord un combat sans merci où le Christ livrait bataille au Démon et à ses alliés.
Rien à voir avec le langage doucereux et sentimental que l’on emploie aujourd’hui. A entendre certains prédicateurs, on pourrait croire que la Passion de Jésus n’est pas autre chose qu’une preuve de l’amour divin pour les hommes, comme si le seul but de tout ce drame était de nous émouvoir ! La Rédemption de l’homme tombé aux mains du Mauvais est une affaire bien plus grave. En résistant jusqu’au bout à la suggestion de Satan (« sauve-toi toi-même ! »), Jésus accomplit la plus formidable riposte qui ait jamais existé à la violence de l’Ennemi. C’est tellement un combat que la terre va trembler au moment de la mort du Sauveur. Bien sûr, tout cela est inspiré par l’amour. L’amour du Père avant tout, dans l’obéissance filiale qui éclate à l’heure où tout se brouille et où le ciel semble fermé, plongeant le Christ dans la plus terrible solitude. Mais c’est aussi, bien sûr, l’amour pour nous, qui sommes sa chair et son sang.
A ce prix, il nous a acquis, nous pécheurs, comme son peuple. Il est notre Roi, et nous voulons le servir et l’aimer, parce que nous lui avons coûté très cher. Et puis cette première victoire nous en laisse espérer d’autres. Car, si le lien qui nous attachait au Démon est coupé lors du baptême, il en reste des séquelles, qui requièrent son intervention. Pour que nous restions sa conquête, il faut qu’il nous garde dans le bercail qu’il a édifié et autour duquel l’Ennemi rôde, « cherchant qui dévorer » (1P 5,8).
La Royauté du Christ passe donc par l’Eglise. Celle-ci n’est pas tant une forteresse assiégée qu’un lieu de repos dans le combat, ou encore un hôpital de campagne comme dit Notre Saint Père le Pape. Là nous reprenons des forces avant de rejoindre le combat où Jésus nous attend, pour étendre son règne.