Sortir de la bulle !
L’Avent commence ! Après tous les mystères de la vie du Christ qui se sont égrenés depuis Noël jusqu’à l’Ascension, après tous les trésors de l’Eglise qui nous ont été ouverts de la Pentecôte à la fête du Christ Roi, voici que nous arrivent les secrets du futur.
Je voudrais risquer cette pensée que le christianisme n’est pas seulement nourri d’une prodigieuse mémoire, celle des hauts-faits de Dieu dans l’histoire du salut et pas seulement riche d’un présent somptueux à qui sait le voir et en profiter, mais qu’il est surtout porté par une attente ardente de la promesse qui nous a été faite : « plus de mort, plus de peine », et « nous serons pour toujours avec Lui ». Regardons-y de plus près.
Les textes de ce dimanche ne nous donnent pas une image parfaitement claire de ce futur : la lecture d’Isaïe nous décrit un avenir radieux où la paix de Dieu devient une réalité concrète pour tous les peuples, mais Jésus dans l’évangile insiste surtout sur la soudaineté du bouleversement qui amènera à ce nouvel état de choses et quant à saint Paul il nous en parle comme d’un avenir qui se prépare dans le secret de notre cœur. Et cette variété d’approches est déjà éclairante : nous comprenons que nous ne sommes pas devant un programme dont nous pourrions vérifier l’avancée, mais c’est quelque chose d’inouï, de radical, qui est à la fois certain et imprévisible.
Telle est bien la nature de ce que nous attendons. Dieu nous propose non pas une amélioration du présent, un progrès qui resterait à l’échelle de nos possibilités, mais carrément du nouveau. Et pourtant un nouveau qui n’est pas de l’imaginaire, situé dans une monde idéal de conte de fées, il est concret, il est charnel, il concerne l’homme dans son corps et dans son âme, il se situe dans un espace réel. S’il y a des cieux nouveaux, il y a aussi une nouvelle terre.
Deux dogmes de notre foi nous aident à sortir de notre bulle : celui du péché originel et celui de la Résurrection de la chair. Dans les deux cas, c’est un changement qui s’opère et qui n’est pas seulement moral, car il a des conséquences « physiques », puisque, dans un cas, c’est l’expérience de la mortalité qui arrive, alors que l’homme, s’il avait persévéré dans l’amitié divine, aurait pu y échapper, dans l’autre, c’est l’homme qui a subi la mort et qui en sort délivré, parce qu’il est totalement lavé du mal. Ce n’est pas un hasard si ces deux dogmes sont si attaqués aujourd’hui, au nom d’une religion qui se voudrait éclairée. En refusant que notre vie avec Dieu puisse avoir un impact sur notre réalité physique, on limite l’influence de Dieu au plan moral, le monde ne fonctionnant que selon les lois de la nature. Je me souviens d’avoir vu dans une paroisse le missel corrigé pour ne plus faire figurer, dans la 10e oraison du Vendredi Saint, la demande adressée à Dieu de « chasser les maladies et repousser la famine », pensez donc, c’est choquant ! Comment Dieu agirait-il dans le domaine matériel, alors que c’est nous qui, instruits par lui, devrions porter remède à ces maux !
Hélas ! avec cette perspective, le seul avenir en vue serait une amélioration de l’homme, un progrès technique, une meilleure gestion des relations, un partage plus général des ressources humaines etc… Toutes choses excellentes, sans doute, mais vous croyez que c’est cela (à supposer qu’on y arrive jamais !) qui changera vraiment le sort de l’humanité ? Il faut être sérieux : quant à croire au Père Noël, celui que Dieu nous propose est plus crédible, surtout quand c’est son Fils qui vient l’opérer, lui qui a marché sur notre terre et qui reviendra pour nous prendre avec lui dans la gloire !