Ta foi t’a sauvé !
Jésus emploie plusieurs fois cette formule, qu’il semble affectionner particulièrement, – notamment au moment où il opère un miracle. Il indique par là que la foi est la condition du miracle et pas sa conséquence. On nous dit que les gens de Nazareth qui s’attendaient à voir Jésus faire des miracles sont déçus, « il ne fit pas là beaucoup de miracles (Marc dit même : « il ne put faire là aucun miracle ») à cause de leur manque de foi » (Matthieu 13,58).
La foi n’est pas seulement d’attendre un miracle. Encore moins de chercher à le provoquer par un forcing spirituel, Jésus est clair là-dessus. La foi dans l’évangile est une attitude de confiance illimitée en Dieu. Nous sommes habitués à répartir les rôles entre la foi, l’espérance et la charité, en réservant à la foi le domaine de l’intelligence, mais, dans la langue de Jésus, la foi inclut l’espérance (comme on le voit bien dans le cas présent) et elle est très proche de l’amour : la confiance en découle et ne peut exister sans lui.
Par conséquent, en disant à l’aveugle de Jéricho « ta foi t’a sauvé », il le crédite d’une ouverture de cœur qui est déjà présente chez certains de ceux qu’il rencontre ou qui s’éveille à son contact. Ce n’est pas encore une foi complète, il leur manque une exacte compréhension de ce qu’est le Christ et la grâce du baptême, mais, malgré tout, ils sont en train de sortir d’une vision purement horizontale des faits qu’ils rencontrent. Ils sont prêts à accepter une intervention d’en haut.
C’est cette « foi » qui rend possible l’évangélisation. Quand nous parlons de Dieu, du Christ, de l’Eglise à des personnes que nous rencontrons souvent éloignées du christianisme, ne nous attendons pas que tout soit déjà acquis, mais ne croyons pas non plus qu’ils soient complètement étrangers à ce que nous essayons de leur partager. Souvent, par un reste de leur éducation, ou tout simplement parce qu’ils sont, comme tout être humain, faits pour le Christ, sa voix suscite un écho en eux. Bien qu’elles ne soient pas encore dans le bercail, « mes brebis écoutent ma voix », dit Jésus (Jean 10,27). On est souvent stupéfait de découvrir ce chemin intérieur qui a précédé toute rencontre explicite avec le message chrétien. C’est ce qui doit nous donner du courage et de l’audace pour aller au-devant de ceux que Dieu met sur notre chemin. Parfois il faut beaucoup de patience au sourcier avant qu’il repère le surgissement bien caché, mais il est là.
Cela n’empêche pas – hélas ! – l’incrédulité tenace de ceux qui ne veulent rien entendre et qui s’abritent derrière une argumentation polémique dont il est souvent difficile de sortir. Pire encore : la feinte indifférence, qui ne laisse aucun point d’appui pour tenter de s’expliquer. Jésus a connu lui aussi l’un et l’autre et il s’est retiré, en attendant son heure. Nous aussi transformons cette souffrance en occasion d’intercession. Car rien n‘est jamais perdu tant qu’il y a la vie.
Reste que nous devons attendre le moment plein de lumière où nous pourrons dire, nous aussi : « ta foi, ton début de foi, t’a sauvé ! ».