La résurrection du Christ et la rémission des péchés
Depuis le début du temps pascal, nous découvrons le lien très fort qui unit la vie nouvelle que vit le Christ dans sa chair et la libération de nos péchés. Je n’emploie pas le mot « pardon » parce qu’il n’est presque jamais employé dans le Nouveau Testament, il est surtout question de « rémission » au sens où l’on remet une dette et ce n’est pas du tout la même chose. Le péché n’est pas une brouille entre Dieu et nous, c’est une blessure profonde, un manque à gagner, une dette à solder. C’est pourquoi il ne peut pas être réglé de façon unilatérale, il faut une démarche de notre part.
Qu’apporte à cette situation la résurrection du Christ ? Nous aurions en effet tendance à penser que c’est la croix qui solde tous les comptes et que la Résurrection n’est que l’épisode heureux qui achève le parcours terrestre de Jésus, tout étant déjà acquis le Vendredi saint au soir. Nous ne pouvons pas couper ainsi en morceaux ce qui est un acte unique. Le « mystère pascal », comme nous aimons dire, inclue les deux faces de l’action de Dieu : Jésus qui se livre à la volonté de son Père, le Père qui accueille ce sacrifice et lui donne tous ses fruits. Dans l’existence toute neuve de Jésus au matin de Pâques il y a toutes les énergies de l’Esprit qui ne demandent qu’à se répandre pour toucher l’humanité. C’est de là que part la source sacramentelle. C’est pourquoi saint Jean, dans l’Evangile que nous lisions le 2e dimanche de Pâques, nous rapporte les paroles de Jésus ressuscité au soir de Pâques quand il déclare aux disciples (qui ne sont plus que dix en l’absence de Thomas) : “Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.” (Jean 20, 22-23).
La rémission des péchés n’est pas un acte juridique, c’est une guérison qu’opère l’Esprit Saint dans les cœurs, mais cette guérison, il l’accomplit toujours en lien avec le Christ. Or, jusqu’à la mort de celui-ci, l’Esprit Saint était bien là déjà présent, mais comme concentré dans l’humanité de Jésus. La déchirure de la croix va permettre à l’Esprit de déborder les limites de l’expérience individuelle du Christ, ou plutôt démultiplier cette expérience en passant par les mains et la bouche de ses Apôtres et de leurs successeurs. L’Esprit Saint agit donc non seulement dans la guérison, mais en donnant le moyen concret de cette guérison : une extension de la médiation du Christ pour tous les temps et tous les lieux. C’est sans doute ce que l’évangile selon saint Matthieu nous laissait entrevoir par avance quand il nous disait après la rémission donnée au paralytique : « les foules furent saisies de crainte et glorifièrent Dieu d’avoir donné un tel pouvoir aux hommes » (9,8).
L’Epitre aux Hébreux nous donne une autre image de la même vérité, quand il nous représente Jésus ressuscité comme intercédant auprès du Père pour les pécheurs (7,25-26). Car c’est tout un pour lui d’agir sur terre par les ministres qu’il a choisis et d’intercéder auprès du Père dans le ciel. Quand nous séparons les deux, nous ne comprenons plus la grandeur des sacrements qui nous sont donnés, nous n’en faisons plus qu’une petite affaire entre le prêtre et nous, quelque chose à notre échelle. La moindre absolution vient du cœur de Dieu, de l’échange éternel entre le Père et le Fils (et le Saint Esprit !).