Le premier commandement
Le scribe auquel Jésus répond sur la question de savoir quel est le premier commandement n’est pas mal intentionné, comme le sont beaucoup de ces contradicteurs qui cherchent à le prendre au piège. Celui-là lui pose une question classique des écoles rabbiniques sur laquelle il existait déjà plusieurs réponses, dont une assez proche de celle que va lui donner le Maître galiléen. D’où l’accord qui s’établit tout de suite entre eux. Ces scribes, généralement d’appartenance pharisienne, n’étaient pas tous des adversaires haineux, loin de là !
Le cardinal Lustiger aimait dire que la première réponse que contient ce texte est l’impératif « écoute ! » qui inaugure la phrase du Deutéronome citée par Jésus. Pourquoi pas ? L’invitation à écouter Dieu, à se nourrir de sa Parole est le point de départ de toute vie morale : au lieu de partir de nos aspirations, de nos jugements et plus souvent de nos habitudes, nous avons à écouter respectueusement ce que Dieu a à nous dire à travers l’Écriture et l’enseignement de l’Église, sans oublier cette petite voix de la conscience qui murmure au fond de nos cœurs et nous met en garde contre certains comportements.
Mais le cœur de la réponse vient ensuite : « le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur, tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit (ça, c’est Jésus qui l’ajoute) et de toute ta force » L’unique Seigneur est une traduction possible, mais le texte original (hébreu et grec) porte : « le Seigneur Un », l’accent n’est sans doute pas mis sur l’unicité (un seul Dieu) à l’encontre du polythéisme païen, mais plutôt sur cette plénitude d’être qu’est Dieu, parfaitement un, sans faille. La Trinité n’est pas l’addition de trois personnes extérieures l’une à l’autre, c’est un unique brasier d’amour où, éternellement, les trois se donnent l’un à l’autre.
En Dieu tout trouve son unité : c’est pourquoi l’amour du prochain fait partie de ce premier commandement que Dieu donne aux hommes et qui consiste à l’aimer, lui, plus que tout. L’attention portée à nos frères n’est pas ajoutée à notre service de Dieu, elle en fait partie. Jésus, en nous révélant le Père, rend le lien plus fort encore : car de reconnaître Dieu comme mon Père est chose si énorme, que cela devrait nous remuer profondément et nous rendre désireux de traduire ce privilège par des actes. Comment le traduire mieux qu’en nous tournant vers ce frère en humanité qui a le même Père que nous et qui souffre ?