Genèse 2 : toi et moi
Nous avons le privilège, ce dimanche, d’écouter au moins une partie de ce grand texte de l’Ancien Testament qu’est le chapitre 2 du livre de la Genèse, l’autre récit de la création. Le passage qui nous est donné est surtout axé sur la formation du couple humain.
Nous n’aurons donc pas la suite (le récit du premier péché) qui totalise un nombre incroyable de contre-sens et de clichés ridicules qui lui sont attachés. Mais déjà pour le passage que nous avons, que de malentendus ! Ceux qui le croient naïf n’ont pas pris garde de la sagesse qui affleure sous le langage simple et la description imagée qui nous est donnée. Comment dire mieux et de façon plus respectueuse la grandeur du pas qui est franchi quand l’homme, encore solitaire au milieu de la création, se trouve en présence de la femme et la reconnait comme l’ « os de ses os et la chair de sa chair » ? On sort là du face à face entre l’homme et la nature. Certes la nature est belle, et Dieu l’a créée telle pour qu’elle reflète quelque chose de sa grandeur ; l’homme a un rôle à y jouer et il impose un nom sur chaque bête des champs et chaque oiseau du ciel. Mais, quand Dieu amène vers lui cette créature tirée de lui sans qu’il s’en soit aperçu, il accède à une expérience supérieure, il reconnait en elle un être semblable et différent, elle lui ressemble et elle est en même temps un être inconnu qu’il a à découvrir. Il met ainsi le premier pas sur un chemin de liberté : en s’ouvrant à elle, il accepte de ne plus être autosuffisant (c’est sans doute cela que signifie l’ablation de la côte : Dieu ménage une brèche dans sa cuirasse !), il va attendre d’elle quelque chose qu’il ne pourra pas provoquer : qu’elle le reconnaisse à son tour, qu’elle lui ouvre les bras et là sera tout son bonheur.
Cette expérience est magnifiquement rendue par le texte du livre de la Genèse, c’est elle qui est le prototype de toute rencontre amoureuse, mais on pourrait dire tout simplement de toute rencontre vraiment humaine, car quand nous prenons le risque d’un vrai face à face avec un autre être humain, nous renonçons nous aussi à être le centre du monde et nous acceptons de devoir dépendre du bon vouloir de celui à qui nous nous présentons. Il nous faut l’accueillir comme égal et différent, accepter le dépaysement d’un autre caractère, d’une autre éducation, d’une autre origine et de faire fond sur cette même humanité qui est la nôtre, c’est ainsi que nous pouvons le créditer d’un cœur et d’une intelligence capables de partager avec nous une même exigence de vérité et de droiture. Comment serait-il possible sans cela de se parler ?
Cette expérience rejoint le thème de l’hospitalité, qui a une place si importante dans la Bible : qu’on pense à celle d’Abraham, quand il accueille magnifiquement à l’heure chaude du jour son hôte, qui se révèle être … Dieu lui-même. Car, derrière toutes ces rencontres humaines, à commencer par le couple de l’homme et de la femme, ce qui est en jeu, c’est de nous éduquer à une autre rencontre plus fondamentale, la rencontre avec ce Dieu qui est venu frapper à notre porte et qui attend notre réponse : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi » (Apocalypse 3,20).