Dimanche du Bon Pasteur
Chaque année, ce 4e dimanche de Pâques nous donne l’occasion de retrouver le thème, si fréquent dans les Ecritures, du Pasteur, du Bon Pasteur (le texte grec de Jean 10 dit même du « beau pasteur »), appliqué à Dieu et surtout à Jésus. Et par suite aux évêques et aux prêtres de l’Eglise.
En un moment où on parle si souvent de « pastorale » dans la vie de l’Eglise, il serait peut-être bon de réfléchir à ce qu’implique cette image.
Ce qu’on retient aujourd’hui, c’est essentiellement deux choses : toutes les brebis ont un lien personnel avec le pasteur, et : il est prêt à s’éloigner du troupeau pour aller chercher celle qui est perdue. Mais en privilégiant le côté « privé » du berger, on oublie sa première raison d’être qui est de conduire un troupeau, de donner la direction, de contrecarrer les récalcitrants, de défendre éventuellement ses brebis contre leurs agresseurs. Or ces tâches demandent autre chose que de la douceur (même s’il en faut aussi).
Quand on applique l’image aux prêtres de l’Eglise, il est caractéristique aujourd’hui qu’on voit mieux leur rôle dans le conseil, le soutien que dans l’exhortation, la mise en garde, l’enseignement. La prédication elle-même va dans ce sens : grâce au micro, elle devient confidentielle, murmurée elle n’est plus portée par un grand souffle. Bien sûr il y a aussi la dure réalité matérielle et beaucoup de prêtres sont surchargés de tâches de gestion et c’est face à cela que le commerce de quelques âmes choisies peut leur apporter, dans certains cas, une consolation, mais bien ambigüe hélas !
Pendant ce temps-là, le troupeau, lui, qui s’en occupe ? Il est heureux qu’on puisse lui fournir un prêtre et une église chauffée, mais tout ne se réduit pas à cela. Il y a les erreurs dont il faut le préserver, une foi qu’on a à lui enseigner sans relâche, et qui le fera sinon le pasteur ?
Souvent on s’en tient à l’idée que le pasteur est celui qui assure l’unité de la communauté. Fort bien, mais de quelle unité parle-t-on ? Doit-il, pour assurer le consensus et faire coexister des personnalités aux orientations différentes, être d’accord avec tout le monde ? On parle facilement de « sensibilités » pour dire pudiquement des visions contradictoires de l’Eglise, de la foi, de la morale chrétienne. Regardons les choses en face : des sondages révèlent que même chez les catholiques pratiquants la foi en la résurrection de la chair est loin d’être partagée par tous. Faudra-t-il en rester aux généralités pieuses pour éviter les points difficiles, ou ne faudra-t-il pas plutôt que le pasteur, qui a devant Dieu la responsabilité de son troupeau, mette le fer dans la plaie et, avec tact et discernement, mais aussi avec clarté et force, rappelle l’enseignement constant de l’Eglise ? Beaucoup de vérités de la foi et de la pratique chrétiennes ne sont plus le bien des fidèles, tout simplement parce qu’elles n’ont pas été enseignées depuis des décennies. Bien des positions déviantes ne sont au fond que des ignorances, des vérités qu’on n’a pas expliquées.
Que ce dimanche du Bon Pasteur fasse briller à nouveau la fonction irremplaçable de celui qui marche en avant de son troupeau pour le conduire vers les verts pâturages !