Ne séparons pas le Christ de l’Église
« Le nom de notre Seigneur Jésus sera glorifié en vous, et vous en lui » nous dit Paul. Donc l’honneur de l’Église, c’est le Christ, mais réciproquement l’honneur du Christ, c’est l’Église.
On trouve pourtant des tas de gens pour dire : « Jésus, je l’aime, je l’admire, je l’adore, mais je ne peux pas souffrir l’Église ! » Comment une telle séparation est-elle possible ? L’Église n’est-elle pas l’Épouse du Christ, celle qu’il a patiemment formée à partir du groupe de ses douze apôtres et à qui il a confié ses paroles et ses gestes pour qu’elle les fasse parvenir aux extrémités de la terre ?
On a beau expliquer qu’une société qui a traversé l’histoire et comprend des millions d’hommes ne peut pas se présenter exactement comme la petite bande qui entourait Jésus en Galilée, on a beau dégonfler les baudruches autour des richesses du Vatican, mais rien n’y fait. Et toutes les mises au point historiques qu’on pourra fournir sur les « points chauds » de l’histoire de l’Église n’ébranleront pas non plus la conviction que Jésus et l’Église, c’est vraiment deux chose différentes et même opposées : la liberté contre la contrainte, l’invention contre la routine etc… Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement parce qu’on a bâti de toute pièce un Jésus idéaliste et anarchiste, éloigné des rites et des doctrines, qui ne peut apparaître évidemment qu’en contradiction avec une Église hiérarchique, soucieuse de l’orthodoxie et dispensatrice des sacrements. Or ce Jésus n’a jamais existé. La recherche actuelle a fini heureusement par reconnaître le profond enracinement du maître galiléen dans le judaïsme. On ne peut plus faire de lui l’ennemi de la loi, du rituel, le tenant d’une spiritualité désincarnée. Il est l’héritier d’une éducation séculaire, qui a donné du prix aux gestes et qui a inoculé le respect du Dieu unique jusque dans les moindres détails de la vie de tous les jours.
On sera alors moins surpris de le voir confier aux douze disciples qu’il a choisis pour cela une réelle autorité sur le troupeau qui se reformera après Pâques avec tous ceux qui auront la foi. C’est à eux et à eux seuls qu’il remet le trésor inestimable de l’eucharistie (« faites ceci en mémoire de moi »), à eux qu’il confie la transmission autorisée de son enseignement (« qui vous écoute m’écoute »), à eux le pouvoir de lier et de délier.
C’est d’ailleurs ainsi que ça s‘est passé dans les premiers jours de l’Église, comme on le voit dans les Actes des Apôtres. Auprès des Douze, les premiers croyants de la foi nouvelle ont vu se poursuivre l’aventure que certains avaient vécue avec le Christ : les mêmes miracles, les mêmes pressentiments du Royaume et, s’il le faut, la même manière de s’offrir jusqu’à l’effusion de son sang. Le rôle des apôtres vient de là : ils sont le lien vivant avec le Christ et, là où ils sont, le Saint Esprit circule. Et on découvre peu à peu que ça ne s’arrête pas à eux, ça continue avec ceux qu’ils investissent de leur mission, en leur imposant les mains.
Tout le reste a découlé de là : liturgie, sacrements, doctrine, tradition, hiérarchie, tous ces éléments qu’on croit imposés un beau jour par on ne sait qui, sont en fait les garants de la fidélité aux origines : comme on ne veut rien perdre de l’impact du Christ, il s’agit de protéger la nouveauté qu’il a apportée, contre toutes les contrefaçons qui n’ont pas manqué de fleurir très vite.
Ah ! si seulement on voyait l’Église ainsi, dans sa vérité première et dernière, comme elle donnerait envie ! A nous de la recevoir avec des yeux neufs et d’en bien parler.