Distinguer pour unir
J’emprunte ce titre à Jacques Maritain, un philosophe français du 20e siècle, qui était aussi un grand chrétien. Ce programme est celui du Saint Esprit que nous fêtons particulièrement en ce jour de Pentecôte. Là où le péché produit la confusion et ne connaît que des ensembles massifiés, l’Esprit suscite des personnes responsables et, quand il les unit, ce n’est jamais au détriment de ce qu’elles ont d’unique et d’irremplaçable.
Regardez la scène de la Pentecôte. Les langues de feu (clair symbole de l’Esprit divin) se partagent au-dessus de chacun des participants de la scène : chacun est bénéficiaire à sa façon de la grâce faite à tous. Pourtant l’Esprit les réunit pour une mission commune, ils vont former une seule Eglise, mais à cette Eglise ils apporteront toute la richesse de leur expérience, de leurs talents, de ce lien particulier qu’ils ont avec Jésus.
En Dieu, l’Esprit Saint est le « nœud d’amour », il réunit en un même don le Père et le Fils sans les confondre : dans sa lumière chacun des deux apparaît dans ce qui le distingue : le Père n’est pas le Fils, le Fils n’est pas le Père ; infiniment différents, ils se donnent l’un à l’autre dans l’embrassement de l’Esprit.
Dans le Verbe incarné, la nature humaine qu’il a prise en naissant de la Vierge Marie n’est pas rajoutée de l’extérieur à la divinité, elle est toute entière assumée, pour devenir son humanité à lui, à travers laquelle il nous rejoint. Et c’est là l’œuvre admirable du Saint Esprit, Jésus a été « conçu du Saint Esprit », oint de l’Esprit, c’est pourquoi nous l’appelons Christ. L’homme n’en reste pas moins un homme et Dieu est toujours Dieu. L’humanité ne se fond pas dans la divinité, les deux natures sont sans confusion, mais elles sont conservées, Jésus est plus réellement homme qu’aucun d’entre nous !
Entre le Christ et nous, c’est pareil : plus nous l’aimons, plus nous l’imitons, plus nous sommes nous-mêmes. Les saints sont tous différents, mais ils sont tous des icônes du Christ. C’est l’œuvre de l’Esprit de susciter cette merveilleuse symphonie de grâces.
Eh bien, appliquons cela à nos relations mutuelles : ne défendons pas notre originalité, comme si les autres allaient nous la ravir, cherchons l’unité (cf. Ephésiens 4,3). Mais soyons nous-même et nous aurons toutes les chances de pouvoir établir des relations vraies avec autrui.
D’un autre côté, demandons à l’Esprit son art de distinguer pour unir, refusons les jugements sans nuances, les a priori ravageurs. Sachons qu’il faut souvent ceci et cela, comme dit Jésus : « c’est ceci qu’il fallait pratiquer, sans négliger cela » (Matthieu 23,24). Il y a des vocations différentes, même si certaines sont plus élevées. Il y a des articles de foi qui sont plus essentiels que d’autres, mais il ne faut pas négliger pour autant les autres. N’ayons pas recours à ces fausses alternatives, qui ne laissent en fait qu’un seul choix : si vous êtes pour l’autorité, c’est que vous êtes contre la liberté (ou réciproquement)… L’unité, la vraie, sera à ce prix.
Viens Esprit Saint !