Le Précurseur
Avec le deuxième dimanche de l’Avent arrive comme chaque année la grande figure de celui que nous appelons le Précurseur (Prodromos), c.a.d. au sens propre, celui qui « court devant » : Jean le Baptiseur. Nous comprenons aisément le rôle qu’il a pu jouer vis-à-vis de Jésus de Nazareth qu’il a dû présenter au Peuple d’Israël. Au lieu que le Messie ait eu à s’autoproclamer Messie, Jean lui a fourni une légitimité, avant que ses miracles et surtout sa mort et sa résurrection fassent éclater la bonne nouvelle qu’en lui Dieu se dévoilait comme jamais.
Mais est-ce à dire que, ce rôle une fois joué, la mission de celui-ci était terminée et qu’il n’avait plus rien à nous apporter, à nous qui croyons à la divinité du Christ ? Sa présence constante dans la prière de l’Eglise, le Canon Romain de la Messe, par exemple, le Confiteor (jusqu’à une date récente), ainsi que dans l’iconographie suffirait à nous prouver qu’il n’en est rien. Comme avec l’Ancien Testament, le Baptiste reste un passage obligé pour accéder à Jésus, plus précisément pour nous confronter à nouveau à son appel, entre l’urgence de la conversion et la patience qui permet la croissance intérieure.
Ils ne manquent pas ceux qui accepteraient bien le Christ comme un guide de vie spirituelle, un modèle incomparable, voire la plus belle manifestation de Dieu dans l’histoire des hommes, mais qui ne percevraient pas l’urgence d’une réponse claire et décidée. C’est à eux que s’adressent les mises en garde sévères du Batiste qui nous dit, comme dans l’Evangile d’aujourd’hui : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc de dignes fruits de conversion ! ». Ne soyons pas de ces spectateurs qui applaudissent le chanteur, mais qui ne prennent pas au sérieux la chanson. Jésus n’est pas venu nous apporter des « valeurs », il veut une adhésion sans réserve à lui et à tout ce qu’il représente. Acceptons qu’il nous déloge de nos sécurités, qu’il nous oblige à rompre nos liens mauvais et qu’il éveille en nous la ferme volonté de partager la pauvreté des pauvres.
Mais, d’un autre côté, Jean sait bien que le Royaume n’est pas un idéal à réaliser tout de suite, c’est une proximité avec le Christ qui avance. Il s’agit de nous ouvrir à la douce influence de celui-ci. Il nous dit donc sa joie d’être l’« ami de l’Époux » qui le voit grandir dans les âmes de ceux qui l’accueillent. Ecoutons la magnifique confidence qu’il nous fait : « celui qui a l’épouse est l’époux; mais l’ami de l’Epoux, qui se tient là et qui l’écoute, est ravi de joie à la voix de l’Epoux. Cette joie qui est la mienne, elle est complète : il faut qu’il croisse et que je diminue » (Jean 3,29). Là où nous serions prêts à nous décourager, parce que le déclic ne se produit pas et que l’envolée tarde à venir, il nous aide à durer. Lui-même a été tenté de douter de la mission du Christ, quand il a vu l’horizon s’obscurcir et la mort approcher, sans que rien ne se soit produit en apparence et on nous dit qu’il a envoyé deux de ses disciples demander à Jésus : est-ce bien toi qui va venir ? On connait la réponse de celui-ci : « allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu: les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés. Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute ! » (Luc 7,22-23). Des signes, il y en a, et nombreux… mais pas ceux qu’on attend ! Et il faut avancer avec cela.
Saint Jean Baptiste, ouvre-nous les voies de patience, sans rien perdre de l’ardeur première !