D’où lui vient tout cela ?
La question est posée par les gens de Nazareth qui découvrent soudain des dimensions stupéfiantes dans celui qu’ils prenaient jusque-là pour un petit gars du pays : d’où lui viennent cette sagesse prodigieuse qui s’exprime dans son enseignement et ces « grands miracles qui se réalisent par ses mains » ? L’absence d’antécédents, d’études par exemple, leur pose problème. Ils l’ont vu vivre, ils l’ont vu grandir, mais ils n’ont rien soupçonné de tel.
Telle est bien l’énigme que rencontrent tous ceux qui essaient d’expliquer le phénomène Jésus par des arguments humains : on ne trouve pas chez lui les tâtonnements de quelqu’un qui cherche sa voie, on ne discerne pas non plus d’influences qui pourraient expliquer ses positions souvent paradoxales ; les prophètes connaissaient une vocation soudaine qui les arrachait à leur existence antérieure, avec Jésus le Baptême au Jourdain a une toute autre portée : c’est lui qui s’y présente volontairement et qui lui assigne un sens spécifique ; la venue de l’Esprit est une confirmation, pas une révélation.
Ce n’est pas dire qu’il n’a pas grandi et ne s’est pas développé. Malgré les images qui représentent parfois l’enfant Jésus comme un petit adulte, ne doutons pas qu’il a crû « en sagesse, en taille et en grâce », puisque l’évangéliste nous le dit (Luc 2,52). Mais cette croissance elle-même était harmonieuse, elle était toujours dans le même sens, il n’y a pas eu de rupture. A aucun moment, il ne s’est découvert « Fils de Dieu » : sa conscience d’homme s’est formée autour de cette donnée immédiate qu’était sa mission c.a.d. sa relation unique au Père des cieux.
Certains diront peut-être que nous ne savons pas tout et qu’il a pu exister des épisodes qui révèleraient une croissance plus tourmentée, mais que la tradition ultérieure n’aurait pas conservés pour garder intacte l’image d’un Jésus tout formé dès le début. Mais cette supposition ne résiste pas si l’on considère la formidable unité qui se dégage de la vie et des paroles du Maître galiléen. Seule une conscience parfaitement unifiée d’emblée peut être capable de tenir ensemble la si grande fragilité de celui qui s’en remet jour après jour au bon vouloir du Père et la force de celui qui commande aux éléments déchaînés, aux démons qui lui font obstacle, qui entraîne l’adhésion des cœurs et trace le chemin de l’avenir : « le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (Luc 21,33).
Cette unité n’a rien de rigide, ce n’est pas l’idée fixe d’un cerveau malade. Il nous faut profondément méditer sur cette phrase de l’Épître aux Hébreux (5,8) : « tout Fils qu’il était, il a appris de ce qu’il a souffert ce que c’est qu’obéir et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel ». Le Fils de Dieu, à l’intérieur de sa relation initiale au Père, a connu un véritable travail, il a « appris » non pas ce qu’il ignorait, mais ce qu’il avait à donner goutte à goutte pour coïncider parfaitement à ce qu’il était. En ce sens, il est « devenu », c’est-à-dire qu’il a joué son rôle jusqu’au bout, qu’il a rempli sa mission, qu’il s’est identifié totalement à nous dans notre marche douloureuse et cahotante vers Dieu.
Cœur de Jésus, Fils du Père éternel nous t’adorons !