Rameaux : la Passion comme un tout
Au moment où j’écris ces lignes, je ne sais pas encore comment se déroulera cette année la Semaine Sainte pour les catholiques de France, mais, par avance, je voudrais apporter ma petite contribution au relèvement moral et spirituel qui devra surgir de ces heures noires.
D’une façon ou d’une autre, il nous faudra tous méditer la passion du Sauveur et nous pénétrer de ce qui est le principe même de toute la vie chrétienne : avec Jésus, nous devons passer par la mort pour accéder à la vie. C’est en épousant plus concrètement ce qu’a été le retournement opéré par le Christ que nous pourrons entrer, à notre tour, dans le renouveau qu’il nous laisse entrevoir.
Le récit de la Passion dans les quatre évangiles (cette année, nous lisons surtout celle de saint Matthieu le jour des Rameaux et toujours celle de saint Jean le Vendredi Saint) se caractérise par une foule d’épisodes qui jalonnent cette dernière semaine. Longtemps on a même commencé par le « samedi de Lazare », la veille des Rameaux, tant la résurrection de celui-ci est liée à ce qui va suivre. Ces récits, il nous faudra les lire et les relire, les prier et les méditer, tant il se dégage d’eux une force incroyable : loin de toute sensiblerie, de tout pathétique, de toute complaisance dans l’horrible, ils disent la réalité sans fard et en même temps donnent la grille de lecture qui permet de comprendre : à travers les citations de l’Ecriture, ou parfois seulement les allusions, ils nous rendent sensibles au fait que tout cela est conduit, que, si Satan joue en sous-main derrière les acteurs, en fait il est lui-même, sans s’en rendre compte, en train de se faire battre : celui qu’il pense réduire à rien sous le poids de la souffrance et contraindre ainsi à se séparer de son Père va lui « claquer dans les doigts » et le battre sur son terrain, l’obligeant à lâcher sa proie, ce qui se manifeste tout de suite par ces tombeaux qui s’ouvrent, dans la curieuse mention de Matthieu (27,52-53).
Dans saint Jean, c’est comme un grand procès qui se déroule, dont les comparutions devant Caïphe et Pilate ne sont que des épisodes. Ce sont les hommes (le monde) qui, à travers Jésus, intente un procès à Dieu, qui profite du don qu’il a fait de son Fils pour lui infliger un démenti définitif. Quand les grands Prêtres disent à Pilate : « nous n’avons d’autre roi que César » (19,15), ils manifestent l’alliance contre nature qui est scellée dans la mort de Jésus, alliance de la force et de la religion, dans un même culte du pouvoir, de la gloire, de l’or. Et c’est cette conspiration du monde que le Père déjoue au matin de Pâques en ressuscitant son Fils. En réhabilitant (en « justifiant ») celui-ci, qui était condamné par les hommes, il ouvre à l’humanité une nouvelle ère, où les pécheurs repentis pourront se réfugier sous la miséricorde du Christ.
Mais que d’autres pistes encore s’ouvrent devant nos yeux, si nous lisons attentivement ce qui s’ouvre à nous ! N’oublions pas non plus d’aller cueillir chez saint Paul les échos inépuisables qu’il donne à l’évènement de Pâques : Vous qui étiez morts du fait de vos fautes et de votre chair incirconcise, Il vous a fait revivre avec lui! Il nous a pardonné toutes nos fautes! Il a effacé, au détriment des ordonnances légales, la cédule de notre dette, qui nous était contraire; il l’a supprimée en la clouant à la croix. Il a dépouillé les Principautés et les Puissances et les a données en spectacle à la face du monde, en les traînant dans son cortège triomphal (Col 2,13-15).
Bonne Semaine Sainte !