L’autre fête de la venue de Jésus sur terre
On oublie trop souvent qu’il a existé une première fête de la venue du Christ parmi nous, avant qu’on s’avise de célébrer l’Incarnation au solstice d’hiver. La fête de l’Épiphanie fixée originellement au 6 janvier ne prétendait pas garder la date de l’anniversaire du Petit Jésus, mais elle mettait en valeur les diverses manifestations, les « épiphanies » du Christ dans l’histoire des hommes. Et la première de ces manifestations était, bien sûr, celle de la crèche, sa venue dans la chair. Mais il y avait aussi le baptême au Jourdain, où la voix du Père et la présence du Saint Esprit le désignent comme le Fils bien aimé, ainsi que les noces de Cana, où, d’après saint Jean, « il montra sa gloire » (2,11).
C’est une manière d’accéder au mystère de l’Incarnation qui met en valeur la mission du Christ, laquelle est d’abord de nous révéler l’être intime de Dieu, car le Verbe s’est fait chair et nous avons vu sa gloire, gloire comme Fils unique, plein de grâce et de vérité, dit encore saint Jean (1,14). Le Fils vient nous éclairer, redresser la connaissance que nous pouvons avoir de Dieu, pour que nous ne soyons pas plus longtemps dupes des idoles. C’est tout naturellement que s’ajoutent à cette première manifestation les deux autres que nous venons de mentionner et qui précisent quelle est cette gloire qui vient jusqu’à nous : c’est celle du Dieu Trinité qui s’approche de nous en Jésus et qui dispense largement ces dons, car elle sème largement sur son passage la joie de la fête. Mais c’est aussi sa mission de Sauveur qui va se manifester, il la porte avec son nom (Jésus= Dieu sauve) et il va commencer à l’exercer en venant en aide aux détresses humaines.
Il y eut un moment où on voulut s’arrêter sur l’identité de Jésus : il est Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu. C’est la joie de Noël de pouvoir contempler la grandeur dans la faiblesse, la gloire dans l’anecdotique et le prosaïque. L’enfant Jésus n’a pas ce jour-là d’autre mission que d’être là, donné, livré. Tout est là et nous pouvons rester longtemps à regarder. Il ne conduit pas à Dieu, il est Dieu !
Si, malgré tout, l’Église a gardé la fête de l’Épiphanie, ce n’est pas pour rien. Après cet « arrêt sur image », après ce moment de tendre contemplation, il reste à comprendre que Jésus inaugure un chemin et qu’il nous entraîne à sa suite. Il ne s’agit pas d’oublier ce que nous avons entraperçu, comme les Mages quand s’est ouverte pour eux la porte de la « maison » de Bethleem. La gloire n’est pas derrière nous, elle est désormais devant nous, à chaque étape.