La joie
Il y a une joie de Pâques, discrète et contenue, comme est le premier alléluia qu’entonne le célébrant dans la vigile pascale, alléluia qui commence humblement par une tierce avant de s’élever peu à peu à la quarte. Cette joie, qui contraste avec l’indifférence du monde, est une bonne nouvelle qui se transmet comme la flamme des cierges passant de l’un à l’autre.
La Pentecôte, c’est autre chose. La joie est liée à cette fête (« la fête des semaines »), parce qu’elle accompagne les moissons et qu’on lit ce jour-là, dans le culte d’Israël, le livre de Ruth qui raconte l’histoire d’amour qui s’est nouée entre Ruth et Booz et qui se conclut par un mariage d’où est issu le roi David, et donc le Messie.
La joie de la Pentecôte, nous la voyons éclater dans l’effusion de l’Esprit sur les Apôtres, la découverte d’une plénitude qui les enveloppe et les porte en avant. Elle s’est accomplie, la promesse que leur avait faite Jésus, l’avenir qu’ils avaient du mal à concevoir jusque-là s’ouvre tout grand devant eux, sur le monde entier. Ils sont dépassés, heureux, fiers, reconnaissants, sûrs de la vérité qu’ils ont si difficilement admise jusque-là… Ils chantent, ils dansent, ils se taisent, ils repartent dans la louange, ils partagent leurs trésors…
Tout le monde cherche la joie, mais celle-ci fait souvent triste figure quand elle ne s’appuie que sur la volonté de faire la fête à tout prix, avec les moyens du bord. Passez devant certains restaurants le 24 décembre au soir, vous verrez ce qui arrive au réveillon, quand il n’y a plus Jésus pour l’éclairer. Pas de joie sans un don que l’on reçoit dans l’émerveillement. Le don, ce peut-être le sourire de quelqu’un qu’on aime, la nouvelle qu’on apprend du succès ou de la guérison d’un être proche dont le bonheur nous est cher. Ce peut être, bien sûr, la découverte de notre place unique dans le Cœur de Jésus.
Nous avons besoin de réapprendre la joie avec lui. Sans doute, tout n’est pas facile et joyeux dans notre chemin avec le Christ. Il y a parfois à serrer les dents pour rester fidèles, nous avons à pleurer près de Marie au pied de la Croix le Vendredi Saint, nous devons sans mentir partager la peine et la détresse de ceux qui souffrent… C’est indispensable. Mais il y a un temps pour tout, nous dit l’Ecclésiaste. L’Église sait merveilleusement nous faire passer des temps du combat à ceux de la victoire. Certes, rien n’est jamais définitif tant que nous sommes sur terre, mais nous avons le droit et je dirai même le devoir d’être joyeux avec Jésus, avec Marie, avec les saints, avec les anges qui nous convient à certains moments à la fête du ciel, dont l’Apocalypse sait si bien nous parler. Il ne s’agit pas d‘imagination ou de « méthode Coué » : ce qui nous est proposé est parfaitement réel et même plus réel que ce qui nous accable par ailleurs : c’est la victoire de Dieu sur le péché et la mort, la vie qu’il éveille au cœur de ceux qui l’aiment, le renouveau de toutes choses qui se devine derrière l’effondrement des valeurs du monde.
La joie suppose qu’on reçoive le don gratuit de l’amour. Elle nous entraîne dans ce don, elle nous fait lâcher prise de notre moi, renoncer à nos vieilles rancunes, elle nous réapprend à sourire. Le sang coule plus vite et plus fort dans nos veines. Nous redécouvrons des visages, nous voyons des gestes de bienveillance qui nous avaient échappé, les indices de notre bonheur se rejoignent et se multiplient.
Belle et sainte fête de Pentecôte ! Alléluia ! Alléluia !