Sacerdos alter Christus
(le prêtre autre Christ)
Toutes les lectures de ce dimanche nous tracent un portrait impressionnant de ce que devrait être l’homme de Dieu, le prêtre, celui qui est censé parler au nom du Très-Haut. Avec Malachie, il doit avoir le sens de la grandeur de Dieu et se tenir respectueusement devant lui au lieu de s’installer dans sa charge comme s’il en était propriétaire. Avec saint Paul, il doit porter dans son cœur ses fidèles, leur témoigner un dévouement sans limites et être prêt de donner sa vie pour eux. Avec Jésus, il doit se garder de chercher les honneurs et le succès et surtout tâcher de mettre sa vie en conformité avec ses paroles. Voilà un beau programme, bien digne d’une retraite prêchée à des séminaristes ! Mais, au fond, c’est cela que les fidèles demandent à leurs prêtres et quand ceux-ci y manquent sur un point ou sur un autre, ils ne se privent pas de le dire, ou au moins de le faire sentir.
Telle est l’originalité du sacerdoce catholique, qui n’a pas de réel équivalent dans les autres religions, ni même dans les autres confessions chrétiennes : partout ailleurs on a affaire ou bien à un professeur de religion instruit et apte à donner des conseils, ou bien à un liturge qui accomplit consciencieusement toutes les cérémonies du culte, ou encore à un organisateur de communauté, chargé de faire vivre ses différentes activités. Le prêtre est tout cela, avec quelque chose en plus. Le défi, c’est de vivre à la suite du Christ un étonnant mélange où la vie et l’enseignement se mêlent, où le don total à la mission coexiste avec la consécration cachée dans la prière et l’ascèse.
C’est un tout, et quand on le divise on voit ce qui arrive : tel prêtre perdu dans ses études, ou au contraire livré à un activisme forcené, quand il n’est pas devenu un petit fonctionnaire du culte ne dépassant pas l’horizon des règlements à appliquer. Sans doute chaque prêtre a une façon à lui de conjuguer ces différents appels, mais tous doivent rester au moins présents dans son cœur et son souci. A la source de cet étonnant cocktail, il n’est pas difficile de voir que se découpe à l’arrière-plan la figure de Jésus-Christ dans sa vie publique (et sa passion). C’est lui, Jésus, qui ne ressemble à aucun autre leader religieux de tous les temps. On a essayé de rassembler ce paradoxe dans le trio « prêtre, prophète et roi », mais chacun de ces termes, quand il s’applique à lui, prend un sens passablement différent de l’usage habituel.
C’est le même paradoxe qu’on retrouve dans la prêtrise, qui n’est pas d’abord une fonction mais une « vocation », l’appel particulier qui unifie une vie dans la suite du Christ donné aux hommes comme médiateur. Car c’est bien là que se trouve l’essentiel. Quand on parle de Médiateur, on veut dire qu’il présente d’un côté la sainteté de Dieu aux hommes et de l’autre la misère humaine à la Miséricorde du Père. C’est ce que le prêtre n’arrête pas de faire à l’autel et dans son bureau, sur la place publique et au confessionnal. Et quand il ne pourra plus le faire ainsi, il le fera encore dans sa chambre d’hôpital ou sous les coups de la persécution.