Ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi
Le grand saint Paul ne se fait pas d’illusion : il sait bien que, depuis le début, tout est grâce dans son parcours : sa conversion bouleversante, la fécondité de son apostolat, rien n’aurait existé sans une intervention constante de Dieu dans sa vie. Et cela dès le début, « dès le sein de sa mère » (Galates 1,15).
Cette constatation n’est pas sans nous poser une question : très bien pour saint Paul, mais nous qui n’avons pas bénéficié de grâces semblables, qu’en est-il ? Y aurait-il des privilégiés (les saints) pour qui tout va toujours dans le bon sens, portés qu’ils sont par la faveur divine, tandis que les autres qui n’ont pas cette chance devraient avancer petitement, avec des hauts et des bas sans jamais dépasser la moyenne ? Bref, si Dieu fait tout, comment expliquer qu’il ne fasse pas plus pour tout le monde ?
Prenons une image : un enfant vient au monde, ses parents ne se contentent pas de le nourrir et de le vêtir, ils accompagnent de leur prévenance le développement de son cœur, ce sont eux qui éveillent les premières lueurs de son intelligence, qui discernent dans ses regards et ses gestes ce qui peut ressembler à de l’amour et, en le traitant déjà comme une personne à part entière, lui rendent possible une réciprocité, quelque chose qui ressemblera à un baiser par exemple, et plus seulement une succion instinctive. D’une certaine manière, tout vient d’eux dans l’éclosion de sa vie propre. Et pourtant va se constituer là un sujet, une liberté, qui n’agira pas forcément dans le sens attendu, qui sera capable de dire « non ! », mais qui pourra entrer dans un processus de croissance auquel il contribuera par sa docilité, qui sera, dans les meilleurs cas capable d’une vraie reconnaissance pour ce qu’il a reçu et d’un amour confiant pour avancer dans la vie porté par les dons dont il bénéficie.
Bien sûr, l’action de Dieu est bien plus profonde que celle des parents, qui ne sont que « pro-créateurs ». Seul le Créateur est complétement la source de notre être et sa Providence va bien plus loin que le soin qu’on peut déployer pour un enfant, surtout, elle dure toute la vie. Néanmoins, on comprend peut-être mieux que Dieu, qui nous enveloppe radicalement de sa grâce, suscite la constitution d’une vraie liberté humaine et, à partir de ce moment-là, progressivement, transforme nos rapports avec lui en en ce qui ressemble à une collaboration. Cette collaboration sera toujours inégale, bien sûr, mais Dieu la prend au sérieux et nous donne une responsabilité dans notre propre salut.
D’ailleurs, Paul nous le dit : « sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile : je me suis donné de la peine plus que tous les autres ». S’il dit cela, c’est qu’elle aurait pu être stérile (rappelons-nous des paraboles de la germination dans l’évangile : tout ne réussit pas à 100% !), mais dans son cas ne l’a pas été. Miracle, dont s’émerveillent les anges ! Et qui étonne Dieu lui-même. Alors que tout vient de Lui !