Viser un plus grand nombre
Le nombre n’a pas toujours bonne presse aujourd’hui chez les catholiques. On se méfie des actions de masse. On se résigne facilement à être une minorité, en déclarant : « on est peut-être moins nombreux, mais c’est plus sérieux ! », comme si la baisse en quantité faisait nécessairement monter la qualité ! Saint Paul n’a pas l’air de partager cette manière de voir.
Il parle de sa mission d’apôtre et il ajoute : « Et tout cela, c’est pour vous, afin que la grâce, plus largement répandue dans un plus grand nombre, fasse abonder l’action de grâce pour la gloire de Dieu ! ». Jamais, il n’a voulu confiner son action à un petit cercle de privilégiés. Il n’a pas toujours réussi à toucher la masse, mais c’est à cela qu’il tendait.
L’Eglise primitive nous donne un témoignage étonnant en ce domaine. Après chaque grand moment de prédication, on compte les nouveaux venus : « il s’adjoignit ce jour-là environ trois mille âmes » (Actes 2,41), « beaucoup de ceux qui avaient entendu la parole embrassèrent la foi et le nombre des fidèles fut d’environ cinq mille » (4,4), « des croyants de plus en plus nombreux s’adjoignaient au Seigneur, une multitude d’hommes et de femmes » (5,14) etc.…
Les premiers croyants qui avaient suivi les apôtres voyaient dans cet afflux de convertis un signe de la fécondité de la Bonne Nouvelle. Et ils avaient raison. Ne soyons pas de ces sceptiques qui se méfient du succès et supposent toujours qu’il est acquis par des moyens suspects. Ceux-ci existent sans doute et toute augmentation numérique n’est automatiquement une preuve d’avancée. Mais elle en est souvent l’indice, quand elle se joint à d’autres signes : la ferveur dans la foi, le progrès de la vie fraternelle, la joie de l’Esprit.
Vouloir rassembler des foules pour le Christ a été le rêve de tous les fondateurs dans le christianisme : saint François d’Assise, saint Antoine de Padoue et tant d’autres. Saint Dominique dans sa prière nocturne suppliait le Seigneur de pouvoir atteindre « les pauvres pécheurs » pour leur ouvrir les portes de la réconciliation avec Dieu. Car le nombre n’a jamais été voulu pour lui-même, mais pour multiplier les occasions où les cœurs peuvent rencontrer le Christ.
Dans l’enthousiasme d’un grand moment où affluent des quantités de visages nouveaux, il y a une grâce de l’Esprit qui nous pousse en avant, qui nous empêche d’en rester à nos petites querelles mesquines, qui nous oblige à voir grand et à demander à Dieu l’impossible. Saint Jean Bosco, au soir d’un moment de ce genre vécu avec des jeunes, se prit à demander à Dieu dans sa prière « des âmes », toujours plus de jeunes pour pouvoir leur partager à pleines mains les richesses de la foi.
Même si cela ne nous est pas toujours donné, n’ayons pas peur de le demander.