Pourquoi un tel amour de la terre de Jésus ?
La communauté Aïn Karem est née sur les routes de la Terre Sainte, on ne le dira jamais assez. Les premiers à rêver d’une communauté où on aurait l’ambition de « refaire chrétiens nos frères » étaient habitués à entendre chaque année, dans le cadre des mouvements de Montmartre où ils étaient engagés, l’appel à partir trois semaines pour le grand pèlerinage organisé par la basilique du Sacré Cœur sur les traces de Jésus.
Depuis le tout premier, le pèlerinage héroïque, organisé par un jeune prêtre du nom de Maxime Charles en 1935, celui-ci n’avait pas cessé d’entraîner sur cette terre (successivement sous mandat britannique, puis partagée entre le jeune Etat d’Israël et la Jordanie) des centaines et des milliers de pèlerins et, parmi eux, des étudiants, baptisés « paulmiers ». Ceux-ci avaient reçu ce nom en souvenir du terme qui, au Moyen-Age, désignait le pèlerin de Terre Sainte, par définition porteur de palme, quand il arrivait enfin, épuisé et conquis, aux portes de Jérusalem. C’était donc eux, les paulmiers, le fer de lance de cette expédition, eux qui avaient gardé le côté itinérant et un peu ascétique du pèlerinage, même s’il avait bien fallu l’ouvrir à toutes les catégories d’âge, en leur offrant le confort devenu nécessaire au fil des années. Tous les étudiants qui fréquentaient Montmartre ne répondaient pas tout de suite « présent » à cet appel, mais presque tous finissaient par succomber au charme et partaient une première fois. Vite gagnés par cette aventure, beaucoup revenaient deux fois, voire plus, devenant peu à peu les cadres du pèlerinage, qui grâce à eux possédait une solidité et une efficience incomparables.
C’était un mélange d’effort physique, de piété, de réflexion intellectuelle, de franche camaraderie, on y découvrait la Bible et la grande liturgie de l’Eglise, on y revisitait tous les articles de la foi, on chantait les psaumes, on veillait, on jeûnait, certains y partaient sceptiques ou détachés et y trouvaient une conversion solide, d’autres y cherchaient leur voie et revenaient porteurs d’une vocation ou d’un projet de mariage. Mais ce qui était sans doute le plus fort et le plus généralement partagé était la conviction d’avoir marché sur les traces d’un vivant, d’avoir découvert le Christ non comme une figure d’Épinal ou un principe abstrait, mais comme un être concret, à la fois totalement humain (avec son cadre de vie, ses déplacements, sa fatigue, sa souffrance et sa mort) et merveilleusement divin : chaque geste, chaque parole étaient l’épiphanie d’une splendeur cachée, d’une perfection de son Cœur, un petit aperçu du ciel, rien n’était anodin, anecdotique, tout nous disait la beauté de notre grand Ami du ciel, notre compagnon de route mystérieux…
Comment, devant tant de merveilles, ne pas souhaiter les partager et apporter aux autres un pareil contact avec le cœur de la foi chrétienne ? Si tant s’en étaient détournés ou l’avaient remplacée par un triste moralisme, c’est qu’ils n’avaient rien rencontré de tel. Il fallait donc le leur dire et (qui sait ?) les amener jusque ici. L’« espoir de Terre Sainte », comme le disait une chanson composée dans ce contexte, commença à briller et amena à chercher des occasions d’entraîner vers la terre du Christ un plus grand nombre, au milieu duquel se produirait le miracle : l’élan d’un nouveau départ, une foi purifiée et communicative, balayant les prudences et les lenteurs de ces années de plomb (nous n’étions encore qu’au début des années Jean Paul II) et mettant le feu au masses déchristianisées.
C’est ainsi qu’un jour, en 1983 précisément, quelques mots dits par un aumônier du groupe mirent le feu aux poudres… c’était à Aïn Karem. On sait la suite…